LE FLOT DE LA POESIE CONTINUERA DE COULER

Contribution La Griffe Midi Pyrénées

Rubrique Coups de cœur.

Seuls, nous restons face à face, le mont Jingting et moi.

Intérêt général de l’ouvrage: ▲▲▲▲

Recommandation de lecture: ▲▲▲▲

Facilité de lecture: ▲▲▲▲▲

Rapport avec le rite:▲▲▲

Selon la légende, en 762 le poète chinois Li Bai, maître de la poésie des Tang, pris de boisson, aurait plongé dans un fleuve, attiré par le reflet de la lune, incarnation de pureté. Son neveu mettra en épitaphe sur sa tombe : « Sur la colline de la famille Xie, voici la tombe du noble Li / Le flot de la poésie continuera de couler au long des âges ». Le Clézio reprend l’idée bienheureuse de cette épitaphe dans le titre de son livre magnifiquement illustré sur la poésie de la dynastie des Tang. Dong Qiang, professeur à l’université de Pékin et ami du Prix Nobel de littérature 2008, termine cet ouvrage d’une exceptionnelle facilité de lecture par des précisions techniques sur la poésie chinoise. Cette anthologie commentée révèle un univers littéraire insoupçonné. Quatre siècles avant nos troubadours, les poètes chinois introduisaient dans la littérature le raffinement, la célébration de la nature, l’altruisme, la compassion face à la condition humaine. Ils usent de toute la force du langage pour exalter leur amour de la femme, déplorer la séparation de leur famille quand les vicissitudes de la guerre ou leurs fonctions impériales les obligent à s’éloigner.

Le sort des femmes, dont la solitude est le quotidien, facilement abandonnées, est dénoncé. Cette poésie ne peut se détacher du réel. En chinois la réalité - zhen - est composée du radical « œil ». Il est le symbole de ce réel chinois qui ne se préoccupe que de ce qu’il peut voir. Le poète reste avant tout un homme. Il épingle la violence du pouvoir. La guerre n’est pas glorifiée, elle apparaît dans le poème dans l’horreur de sa cruauté. Cette humilité qui sublime l’art est la contrepartie de l’égoïsme et de la volonté de possession de la gent masculine. Dans cette époque rude, les poètes possèdent la grâce, celle de la langue, de l’inspiration. Sans rechercher la sagesse, ils se confient à la nature, la bienfaitrice, la nourricière, se faisant ainsi l’écho de l’éternité du monde et des astres. Abandon à la nature proche du chamanisme et de la pensée taoïste.

Aux périodes troubles, la poésie est une fidélité à soi-même. Elle instaure des lois du langage supérieures à celles de l’empereur. Ce puissant culte de la littérature crée une poésie d’une force de l’ordre du miracle. Elle réconcilie le monde et l’être humain.

Hélas, elle ne reviendra pas.

 

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