AVEC LES FÉES
Contribution La Griffe Aquitaine
Rubrique AdHoc
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲△△
Facilité de lecture ▲▲▲▲▲
Rapport avec le rite ▲△△△△
Qui aime bien châtie bien. Comme (presque) tout le monde, j’aime bien Sylvain Tesson : l’homme, le parcours, le lyrisme poétique, le regard acéré.
Rentrant de croisière en voilier dans le sud Bretagne j’attrape à la gare de Nantes – et ce malgré son titre - son dernier livre « Avec les fées », que tout le monde sauf moi a déjà lu.
Surprise : il s’agit précisément du récit d’un périple en voilier en pays celtique.
En contraste avec le caractère taiseux de mon capitaine à moi, le monologue maritime nourri de Tesson me ravit, comme toujours : très érudit, hypersensible, avec sa poésie âpre et ses fulgurances. Je le lis d’une traite, aidé par le retard de deux heures de mon train Inter-Cités.
D’où vient alors mon léger sentiment d’irritation ?
Premièrement, une bricole : le choix de ce terme de « merveilleux » comme clef d’ouverture au sens profond des choses. Ce doit être moi mais j’y trouve comme un parfum de club Dorothée.
Deuxièmement l’effet de système. Le cadre change mais le ressort du récit reste identique à celui de ses précédents ouvrages : un journal de route qui médite, grâce au procédé de l’association libre – historique, culturelle, poétique - le déroulé d’un voyage se voulant initiatique. Mais on en voit désormais les ficelles, ou plutôt les « bouts ».
Troisièmement, son goût pour les aphorismes définitifs, comme chez Régis Debray, à qui son style me fait beaucoup penser, avec les mêmes effets : le problème de l’aphorisme c’est qu’il doit être parfait – et ils le sont à 90% - sinon il y a danger de cuistrerie, mais c’est surtout qu’une fois le livre refermé il n’en reste finalement que peu de chose.
Quatrièmement et c’est pour moi le plus dérangeant, c’est que, caché derrière la figure de l’aventurier littéraire, Sylvain Tesson ne nous livre finalement pas grand-chose de lui-même. Par exemple sa compagne – fugace ou régulière ? on ne sait pas – disparait derrière l’appellation – sans doute d’inspiration homérique – de « la fille aux bras blancs ».
Il le dit d’ailleurs : ses voyages sont pour lui d’abord une fuite, une fuite loin de lui-même. On le sent, ce qui fait que son retour, contrairement à celui d’Ulysse, ne dévoile ni n’achève rien, il n’est que la promesse d’un nouveau départ.
Et d’un nouveau succès d’édition ?