LETTRES
Contribution La Griffe Parisienne
Rubrique AdHoc
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲▲
Facilité de lecture ▲▲▲△△
Rapport avec le rite ▲▲▲△△
La philosophie nous réserve assez souvent de bonnes surprises : ainsi vient de paraître ce quatrième volume des œuvres posthume de Paul Ricoeur. Volume qui nous livre une facette inattendue du grand philosophe contemporain : une réflexion qui prend en compte le réel comme objet d'étude et plus seulement le penseur de l'homme capable, c'est-à-dire de l'éthique.
Dans ces textes rédigés entre 1958 et 2003 il est question de l'argent, de l'autorité, de la crise, de l'intolérable, de la condition d'étranger, de l'ethos de l'Europe. Ce sont des textes d'intervention, nous pourrions dire de militantisme, avec en toile-de-fond la question de l'implication du philosophe dans la réalité : Doit-il être une éminence grise du pouvoir, un conseiller des puissants ou un méditant se rapprochant au maximum de l'intersection entre soi, autrui et le tiers de façon à parvenir à la visée classique de l'éthique, « une visée de la vie bonne avec et pour autrui dans des institutions justes » ? C'est bien entendu dans la rencontre avec autrui que sa démarche va se situer.
Cette intersection, Paul Ricoeur va la trouver dans la vie associative plongée dans le réel de la cité, ou dans des revues qui abordent la réalité dans toute sa brutalité. Un monde qui demande l'exercice permanent du discernement, d’une lucidité qui nous met à distance de la manipulation et de nos visions faussées. Notamment dans une Europe occidentale rongée par l'inquiétude identitaire, par cette difficulté de pouvoir donner un sens à sa trajectoire passée, alors que l'idée de « progrès » est moquée, jugée naïve, héritée de « l'optimisme niais des Lumières ». Ricoeur, dans une démarche quasiment kantienne, libère la morale de la religion et fait presque devenir la morale comme religion en en faisant une transcendance !
La lecture de Paul Ricoeur est utile à notre vécu maçonnique car ce dernier ouvrage nous met au cœur d'une interrogation maçonnique permanente : La Maçonnerie est-elle un lieu de retrait, de méditation, l'imaginaire d'un « éden avant la chute », ou un lieu-laboratoire d'une réflexion et d'une action sur le monde ? Sommes-nous les habitants tranquilles, à distance de la planète dont nous parle Esaïe ? ou des vagabonds du monde, des « sans abris » ?
La Maçonnerie partage, en tout cas, une pensée commune avec Paul Ricoeur : dépasser la doxa, l'opinion publique pour cheminer vers l'Alêtheia, la vérité du sujet…