Extension du domaine de la lutte
Contribution La Griffe Lorraine
Rubrique Polars
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△
Facilité de lecture ▲▲▲▲△
Rapport avec le rite ▲▲▲△△
Je lis pour la première fois et avec de nombreuses années de retard, Houellebecq. Ce fameux bouquin qui l’a fait connaître. Le personnage médiatique est maintenant très, trop connu, et je n’ai aucun a priori négatif ou positif.
Donc, j’ai lu « Extension du domaine de la lutte » en étant relativement détaché des contingences politiques, médiatiques, people-tiques…
Mon avis : Ça se dévore… Et pourtant il n’y a pas d’histoire, pas de suspense, pas d’énigmes. Son écriture appelle continuellement à poursuivre la lecture, sous une sorte de lenteur permanente, aucune perte de temps inutile, aucun remplissage superficiel. Une rupture quasi systématique en trois ou quatre mots sur le propos qu’il termine, un contraste, un éclat de lumière au milieu des ténèbres, un peu ce que Barthes appelait le « punctum » en photographie, le détail qui reconstitue l’ensemble, l’échantillon qui harponne la mémoire, la minuscule madeleine de Proust que l’on identifie au milieu d’une montagne de gâteaux.
Je retrouve un peu de Céline dans l’écriture « courte », je retrouve aussi du Bukowski, mais en beaucoup moins « trash ». Par rapport à ses collègues contemporains, il ne fait pas de concessions, et c’est sa force, en tout cas dans cet ouvrage, c’est ce qui le sauve du pathos. En ce qui concerne le « héros », je ne sais pas à quel point il peut être similaire à son auteur. Pour un écrivain dont les critiques disent qu’il n’a « pas de style », il se débrouille plutôt bien pour agripper le lecteur. Tout ce texte pour un type qui n’est même pas un antihéros, un nihiliste notoire, pas mélancolique, juste désabusé et surtout un lâche. Pourtant on s’attache à ce qui peut le sauver et c’est toute la magie de la littérature. C’est en effet magique d’avoir un panorama noir devant les yeux et y voir malgré tout, la lumière.
Inutile de faire un « pitch » de l’histoire, elle n’a aucun intérêt. Je comprends mieux pourquoi Houellebecq a eu du succès car son écriture est plate, sans images. Mais il parvient à en extraire froidement toute la bassesse de l’humain et l’inutilité d’un travail alimentaire surtout quand il est à la solde de l’hydre financière et administrative.