La Synagogue
Contribution La Griffe Lorraine
Rubrique BD
Le mal au dos commence le jour où vous portez les rouleaux de la Loi.
Recommandation de lecture : ▲▲▲▲▲
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲
Facilité de lecture ▲▲▲▲
Rapport avec le rite ▲▲
L’œuvre de Joann Sfar entre souvent en résonance avec la nôtre. De prime abord cette autobiographie peut paraître un peu brouillonne, avec de constants allers-retours dans le temps, mais on se laisse très vite emporter avec plaisir dans ce voyage finement conté avec malice. Sans complaisance et avec humour, l’auteur se remémore sa vie, son histoire familiale, ses rencontres réelles ou imaginaires, qui l’ont conduit à être l’auteur à succès que nous connaissons : Le formidable « Chat du Rabbin », c’est lui. On retrouve bien sûr dans cet album le dessin si personnel de cet auteur de B.D. (et de romans) attachant, devenu incontournable. Johann Sfar dépeint avec sincérité sa relation compliquée avec sa religion, le judaïsme. Une relation qui s’inscrit dans une histoire familiale marquée par le décès précoce de la mère et par la figure tutélaire et complexe du père, avocat réputé et engagé dans une lutte militante contre l’antisémitisme. Un combat où le jeune Joann tente, avec difficultés, de prendre sa part, dans une atmosphère empreinte de violence diffuse mais omniprésente.
Tout se passe à Nice, de longue date la ville de toutes les droites, y compris les plus extrêmes, la ville de Jacques Médecin, où il grandit et choisit de devenir gardien de synagogue, en guise de compromis entre la pression communautaire et une appétence religieuse minimale.
Joann Sfar en profite pour nous rappeler les épisodes, vite oubliés par complaisance ou par gêne, de l’antisémitisme contemporain, dans notre pays, en France, soi-disant pays des lumières.
Mais surtout, dans cet album Joann Sfar répond à la question suivante : Comment être libre, vivre libre et agir dans le monde, quand on a été entouré, marqué, imprégné, par une religion dont on ne partage pas nécessairement les dogmes, mais dont les paradigmes et la culture vous enracinent et constituent votre identité dans le regard des autres ?
Par la création artistique. C’est sa réponse.
Beaucoup d’entre nous pourraient répondre autrement, par l’initiation spirituelle. D’ailleurs je me pose la question : si certains de nos frères connaissent Joann Sfar, ne serait-il pas temps de lui faire quitter les parvis de la Synagogue pour ceux du Temple ?