Contribution La Griffe Lorraine

Rubrique Coups de coeur

Intérêt général de l’ouvrage: ▲▲▲▲▲

Recommandation de lecture: ▲▲▲▲▲

Facilité de lecture: ▲▲▲

Rapport avec le rite: ▲

Présent offert à Laurent de Médicis alors en disgrâce dans une Florence en proie à l'instabilité institutionnelle, Le Prince de Nicolas Machiavel expose la manière de conquérir et conserver le pouvoir selon différentes situations. Donnant des conseils de démagogie, de compromission ou de trahison, il vise, sur le plan extérieur, à maintenir à tout prix une emprise sur les territoires conquis et, sur le plan intérieur, à se donner les moyens de rester au pouvoir. Machiavel, diplomate florentin dont Nietzsche admirait la « volonté de voir la raison dans le réel et non dans la morale », inaugure une nouvelle approche tactique du politique. Le prince, pour être en mesure de gouverner, doit être conscient de ses forces et faiblesses, et pour cela s'appliquer le « connais-toi toi-même » socratique. L'amour, sentiment fugace, ne peut conduire à l'unité ni à la stabilité de l'autorité du prince, ce qui rend la crainte préférable en raison du sentiment de prudence et de peur du châtiment qu'elle inspire. Le prince doit également se méfier des courtisans et des proches du pouvoir tout en s’adaptant constamment à son environnement.

Avec cet ouvrage, l’auteur rompt avec la pensée politique de son temps. Transcendant les notions de bien et de mal, le prince doit à la fois être le Renard, pour découvrir les pièges, et le Lion, pour se défaire des loups, ajoutant que ceux qui se contentent d'être lions manquent d'intelligence. A travers une suite de conseils avisés, Machiavel, admirateur de César Borgia, conclut que les actions du prince doivent être adaptées aux circonstances et toujours justifiées par la stabilité de son autorité. En ce sens, il pose les premiers jalons de ce que Richelieu appellera quelques années plus tard la Raison d'Etat. Si son texte ne reçut pas l’écho qu’il espérait de Laurent de Médicis, il n’imaginait pas qu'il connaîtrait une telle postérité. Avec sa plume cynique et une bonne dose d'ironie, Machiavel n'apprend en réalité rien aux tyrans qui ne savent que trop bien ce qu'ils ont à faire, mais instruit les peuples de ce qu'ils ont à redouter.

Nonobstant un style alambiqué et parfois confus, cet ouvrage, en nous ouvrant les portes de la psychologie humaine qui ne fait jamais rien que par calcul ou par nécessité, nous donne des clefs de lecture, toujours d’actualité, de la politique en tant que jeu de pouvoirs, applicables également au fonctionnement de différents groupes sociaux.

A méditer.

 

Précédent
Précédent

DU MONDE ENTIER

Suivant
Suivant

Les Somnambules