Contribution La Griffe Touraine

Rubrique Coups de coeur

Intérêt général de l’ouvrage: ▲▲▲▲▲

Recommandation de lecture: ▲▲▲▲

Facilité de lecture: ▲▲▲▲

Rapport avec le rite: ▲

Un roman fort que l’on traiterait volontiers de monument, ses 500 pages nous y encouragent, mais ce ne serait pas lui rendre justice tant il se fait humble et réfléchi, tâtonnant et cultivé. Le mot qui convient est sans doute « une œuvre », mais un œuvre sacrément « gonflée ».

Gonflée cette œuvre, pour de multiples raisons. Elle traite de la relation de l’homme à la nature, au vivant, et finalement à lui-même, mais avec l’humour et la dramaturgie d’un opéra-bouffe et avec la lancinance d’un « Boléro de Ravel », en plus long et moins flamboyant, mais en plus insidieux. De plus, tout ou presque nous est donné dès le début, on a même assez rapidement une idée sur le dénouement probable. Le futur s’invite dans le présent, le passé n’est pas en reste. Une précision dans les détails, une écriture enthousiasmante, des personnages et des décors de bande dessinée !

Le thème officiel du livre ? La protection des éléphants d’Afrique. Pour beaucoup d’entre nous une merveille de la nature, et pour d’autres de la « viande sur pied » dans un contexte de famine endémique. Mais c’est aussi le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le positionnement des élites face à l’histoire, passée et future, l’antagonisme entre la préservation des coutumes et la nécessité du progrès technologique, la contrebande et le pillage des ressources. Mais avant les éléphants, nous dit Morel, le personnage principal, son plus dur combat fut celui pour les hannetons. C’est dire si ce thème n’est qu’un alibi qui donne à Gary l’occasion de mettre l’homme face à ses responsabilités dans l’idée d’une nécessaire gouvernance mondiale, complexe mais éthique. On voit combien il est par anticipation au cœur de notre actualité. Gary semble accorder peu de crédit aux politiques, seuls comptent les combats citoyens, qu’ils soient individuels ou collectifs. Avec l’idée que la création, et que l’homme lui-même, ne sont pas achevés, qu’il nous reste à travailler à notre complétude. De la misanthropie ? Plutôt une forme de philanthropie, une conscience du potentiel humain,  très insuffisamment et trop mal exploité, l’exigence d’une humanité capable de poursuivre le progrès des civilisations passées, une humanité digne de son ancêtre très éloigné, ce reptile qui sortit des eaux avant même de disposer de poumons !

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