Contribution La Griffe Paris

Rubrique Coups de coeur

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲▲

Facilité de lecture ▲▲▲▲▲

Rapport avec le rite ▲▲▲△△

Deux histoires en parallèle : un soldat déserteur un fusil à la main « couvert de crasse sombre » fuyant la guerre et les horreurs qu’il a commises, croise une jeune fille aussi perdue que lui accompagnée par son âne. Dans le même temps la fille d’un grand mathématicien communiste déporté à Buchenwald, évoque au cours d’un colloque consacré à son père, la carrière de ce père et son existence en RDA par choix idéologique séparée de sa femme restée à l’ouest. Sa fille essaie de retrouver cette vie par bribes, à travers ses souvenirs et par les amis qui ont connu ses parents. Tout à coup l’attentat des tours jumelles de New York s’immisce dans le récit.

Le grand compositeur Zimmermann a évoqué dans une de ses œuvres « la sphéricité du temps ». C’est ce thème du roman de ENARD :  entre mémoire, vision directe et attente (le soldat et la jeune fille) vision du passé et présence absente (le mathématicien). Un temps apparemment clos, totalisant et incomplet, un dense tissu de motifs assurent la cohésion de l’ensemble et la curiosité du lecteur. Des lieux évanescents, mobiles…

Nous ne sommes plus dans un temps faussement linéaire. L’auteur recoupe les deux récits, s’éloigne, revient et nous le suivons avec une attente teintée de crainte parfois, de suspense souvent, de l’espoir peut être vers un destin inconnu et un destin déjà inexorable.

Les questions sont posées, certaines n’ont pas de réponses, d’autres sont partielles, des souvenirs épars. Qu’est-ce qu’une vie, qu’en reste-t-il quand on a vidé les appartements ? Quelques photos, quelques livres, quelques souvenirs… Et quelle vie à venir ? Le futur n’est écrit nulle part même pas chez les romanciers.

Le roman se lit facilement, style limpide, beaucoup de références culturelles, scientifiques aussi.

L’auteur a certainement vécu à Berlin, on s’y promène un peu, on s’y retrouve. Nostalgie du temps qui passe et des choix que nous faisons, sans retour possible. Les jeux sont faits.

Mais on vit, on doit parfois oublier son passé, est-il proche, est-il tolérable ? C’est un roman du temps et des hommes « est-ce ainsi que les hommes vivent ? » (Aragon) ; est-ce ainsi que les ânes vivent ?

« J’aime l’âne si doux

(…) il a fait son devoir du matin jusqu’au soir »    Francis Jammes

Les hommes font-ils aussi bien ?

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