MATIÈRE ARDENTE
Contribution La Griffe Midi-Pyrénées
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△
Facilité de lecture ▲▲▲△△
Rapport avec le rite ▲▲△△△
Je retrouve dans ce livre d’artiste somptueux la Jacqueline Saint-Jean des voyages et la Norvège. Mais le livre ne fait aucune place à l’anecdotique ou au typique caractère d’une terre. Le froid, l’eau, le feu ne sont pas des décors mais les témoins d’une vie interne qui prend possession de l’auteure comme le poème toujours se fraie un chemin dans les ruines des émotions.
« Matière ardente » est l’œuvre évidente de la maturité́. Le bilan n’a pas d’utilité́, mais le regard a ajusté sa lucidité́. Elle jaillit comme le feu de la terre, rien ne saurait l’arrêter.
La mission du poète qu’est avant tout Jacqueline Saint-Jean, est d’emprisonner ces murmures intérieurs que font naitre l’observation des nouveaux paysages traversés dans le poème. Lui seul, peut figer et fixer la fugacité́ de la prophétie qui habite tout poète.
La vie nous brûle copiant le feu échappé de la terre. Vient le moment où « L’incandescence s’est éteinte » où « le poème chante / sa disparition ». Mais plus loin, le « poème soudain aimante l’épars / au plus vif du présent ».
L’enfance que l’on ne peut retenir, s’invite dans le poème. Elle assure que l’aspiration à la contemplation fervente du monde l’a poursuivie sa vie entière pour la gorger « de mémoire et de lumière ».
L’écrit a laissé́ sa trace dans l’enveloppe charnelle de celle qui n’a cessé́ d’apprivoiser les poèmes « sous le grain érodé́ / de la peau écrite ».
Cette « Matière ardente » est la lave d’une poésie d’une haute spiritualité́, somptueuse par l’équilibre des vers, faits de mots presque parcimonieux, pour ne pas encombrer ce qui serait superflu quand on se dépouille de toute ornementation qui cacherait la pensée à nue, celle qui s’impose après un long parcours dans le monde, dans la parole qui nous crée.
Difficile pour le lecteur de ne pas percevoir comme une brume de tristesse et de nostalgie sous cette matière ardente, mais la puissance du poème habille de vers salvateurs ce qui, pour le commun, constitue la panique de l’existence ; et puisque la lumière a surgi des ténèbres, elle réconcilie dans une fière sérénité́, les contraires, « jusqu’à ce puits voluptueux / où naissance et mort / ténèbres et lumière / fusionnent s’embrasent / au feu de l’éphémère ».