LE COCCOBACILLE DE HERRLIN
Contribution La Griffe Midi-Pyrénées
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲△△
Facilité de lecture ▲▲▲▲△
Rapport avec le rite △△△△△
Arturo Cancela (1892 - 1957), figure connue de la littérature argentine de la première moitié du XX° siècle, est pour la première fois traduit en français.
Ce livre, paru en 1922, apparaît aujourd’hui totalement intemporel et l’Argentine, lieu du récit, s’efface au profit d’une quelconque démocratie de notre planète. C’est dire si ce roman est universel !
Le pessimisme constitutionnel d’Arturo Cancela, consécutif à la lucidité impitoyable de son regard sur le monde politique de l’Argentine, alors démocratique, du début du siècle dernier, se traduit, grâce au génie de son style, par une époustouflante narration, d’un comique aussi fin que constant, de l’odyssée absurde d’un professeur de biologie suédois, Herrlin, en guerre contre une invasion fantomatique de lapins ravageurs de récoltes ruinant l’économie du pays.
Les cinq années de lutte contre l’ennemi aux grandes oreilles défilent au cours de dix-huit chapitres sur à peine 150 pages, ménageant un véritable suspense digne d’un roman policier, sur l’issue des drôles aventures du savant suédois.
L’ensemble est prétexte à rire – et s’alarmer – des mœurs politiques, plus promptes à rechercher une opinion publique favorable, qu’à résoudre les difficultés d’un pays prêt à verser dans le chaos des peurs identitaires. L’action ubuesque menée par le gouvernement et par l’opposition aussi inappropriée soit-elle à la réalité, est interchangeable, les deux camps épousant les mêmes travers, mais n’empêche pas un revirement inattendu de situation.
J’ai trouvé la lecture de ce court et alerte roman où l’on apprend que le mot Espagne, d’après les philologues, signifie lapin en passant de l’Hébreu Saphan au Phénicien Sphania et au latin Hispania, salutaire par sa tonicité comique. C’est un livre de détente qui se rit de nous, de nos empressements à l’enthousiasme ou/et à la détestation politique et qui raille avec subtilité le cynisme intrinsèque des dirigeants et de ceux qui aspirent à les remplacer.
Une belle fable que ce livre qui en m’amusant m’a fait découvrir que nos façons de faire, dans nos démocraties habituées, font ressurgir nos façons d’être, au fond bien ridicules. Je crois à la prophétie de ce récit qui révèle que la simple invention d’une menace comble notre vide d’appartenance et notre insécurité psychique.