LA NUIT N’ETEINT JAMAIS NOS SONGES
Contribution La Griffe Midi-Pyrénées
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲△△
Facilité de lecture ▲▲▲▲△
Rapport avec le rite △△△△△
Je considère Joël Vernet comme une des voix les plus marquantes de la poésie d’aujourd'hui et souhaite vous faire partager mon enthousiasme.
Voici déjà vingt ans, Antoine Emaz, dans un entretien, expliquait sa posture d’écriture en ces termes : « Ce monde est sale de bêtise, d’injustice et de violence ; à mon avis, le poète ne doit pas répondre par une salve de rêves ou un enchantement de langue ; il n’y a pas à oublier, fuir ou se divertir. »
Savoir affronter la réalité du monde, lequel ne s’est pas amélioré depuis ce qu’en percevait Antoine Emaz, est la vocation du poète, loin de l’idée reçue selon laquelle la poésie créerait un monde imaginaire pour nous enchanter.
Joël Vernet n’échappe pas à cette vocation mais sa lucidité d’artiste n’appelle jamais à l’abandon de l’espérance. Il construit depuis les années 80 une œuvre de premier plan faite de textes inclassables, ni poèmes véritables ni journaux de voyages, où sont célébrés le minuscule et l'immense. J’y vois pour ma part, une des expressions des plus convaincantes de la poésie contemporaine.
Ce nouvel ouvrage est empreint d'une grande spiritualité, loin de toute emphase, de toute proclamation tonitruante ; une spiritualité cosmique éprouvée avec le ton pénétrant de ce poète qui s'insinue naturellement dans la voie du milieu. Sa prose poétique me transperce de sa clarté, me transfigure par l’identification que j’en fais, exalté par l’universalité de cette ressemblance. Peu de poètes atteignent ce niveau d’union avec le lecteur.
C’est par le corps qu’opère la poésie. Sa lumière nous brûle de l’intérieur. Si elle ne nous brûle pas, c’est qu’elle ne nous est rien.
De la lecture de ce texte je ressors brûlé mais épanoui. Revivifié par la joie pure que nous procure la pensée de Joël Vernet qui révèle : « Chaque jour nombre de vivants et de morts me visitent dans cette vie immobile me faisant voyager au loin. Je n’attends rien d’autre que la joie pour contrer les tourments nous déchirant tous un jour ou l’autre. »
Ce livre peut aussi s’entendre comme une résilience de la douleur. La perte, ici celle du père dès l’enfance, est de tous temps l’effroi du poète. Elle fait naître la douleur. Mais « La douleur ne suffit pas. » constate le poète qui nous entraîne dans cette joie inattendue, inespérée, la joie métaphysique qui nous envahit à la contemplation poétique du monde.