Contribution La Griffe Lorraine

Rubrique Coups de coeur

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△

Facilité de lecture ▲▲▲▲▲

Rapport avec le rite △△△△△

Écrit en 1926, au temps où la ruralité avait encore du poids, Charles Ferdinand Ramuz, auteur suisse, analyse en romancier comment, dans l’isolement d’un petit village des alpes helvétiques, nait l’irraisonnable. L’irraisonnable et ses corollaires… la peur, les superstitions, les non-dits chez ces paysans déjà taiseux. De la cause on ignore tout. « L’Autre, Le Méchant, vous savez… » Simplement qu’il y avait eu déjà quelque chose, là-haut dans les pâturages d’estive. Il y a vingt ans. Six hommes étaient montés, seuls trois sont revenus. Mais aujourd’hui, vingt après, hein ? Là-haut, l’herbe est si odorante, on retaperait le chalet, la location rapporterait au village. Et puis ces racontars de vieux…  Votation. Résultat : les jeunes et les Conseillers … pour, les anciens, minoritaires, … contre.

Septante vaches en Alpage pour trois mois, six hommes, sous l’autorité du Maître et de son neveu pour traire et faire les fromages, les descendre dans la vallée à mi-parcours au point convenu.

Ca a commencé par les bêtes. Pourtant le temps était au beau, ciel immensément bleu et soleil passant derrière les crêtes, découpé comme des aiguilles.

Les bêtes malades, il a fallu les abattre, condamnant la relève des hommes, le retour au village, à la vie aux gestes mille fois répétés et à l’amour qui est un temps unique et heureux.

Alors, on ne se parle plus et on a plus la force de rien. Il reste à traire les survivantes, dont le nombre s’amenuise et répandre sur l’herbe le lait, puisqu’on ne peut plus redescendre.

Le glacier, lui, avance et roule ses pierres, ignorant du jeu cruel que s’inventent les hommes.

L’écriture est particulière. Il arrive que les phrases soient répétées, plusieurs fois à la suite. Pour se persuader, comme on se parle à soi-même et puis parce que le temps ici (on est en Suisse) est plus étiré qu’ailleurs. Il faut que les choses prennent leur place, d’où ces longues descriptions (que Giono reprendra) de paysages de montagne, de la course du soleil et de cette nature si bien accordée à la rudesse des hommes.

Ce roman, pas si simple, est à lire entre les lignes. Il est sensible, sombre et froid.

Il est surtout d’aujourd’hui.

Précédent
Précédent

LE BARMAN DU RITZ

Suivant
Suivant

CROIX DE CENDRES