LE RABBIN ET LE PSYCHANALYSTE
Contribution La Griffe Ile de France
Rubrique Métaphysique
Recommandation de lecture ▲▲▲▲▲
Intérêt général ▲▲▲▲▲
Facilité de lecture ▲▲▲
Rapport avec le rite ▲▲▲▲
Il faut toujours laisser de l'incomplétude à l'œuvre.
Delphine Horvilleur, seconde femme rabine libérale, aborde ici la théorie de l'interprétation comme théorie du signe qui serait en réalité gage de la mort de l'interprétation, en l'enfermant dans une fidélité stérile et sourde.
Ce qui peut inciter à la lecture de ce texte court et intense en est son sous-titre : L'exigence d'interprétation, chose que nous partageons, nous maçons, avec le judaïsme et la psychanalyse. La lecture de ce livre m’a engagé à m’interroger sur l’importance de l’interprétation en générale et celle plus particulièrement que je fais de notre démarche spirituelle et de notre Rite.
C'est l'interprétation qui donne sens et met un terme à l'errance, au non-sens. C'est le désir de rassembler ce qui est épars, afin de donner une cohérence à l'absurde, de prêter une attention constante aux textes, qu'ils soient littéraires, etc… en sachant que la lecture du monde et de notre monde en particulier, ne clôt rien, mais ouvre toutes les perspectives du voyage intérieur. C'est l'apprentissage du retour au désert, de l'errance, avec en toile de fond l'arrivée dans une problématique Terre promise. C'est surtout une invitation que Dieu fait à Abraham de tout quitter et qui lui dit (Genèse 12) : Lekh Lekha ; Vas vers toi. Formidable invitation divine à une introspection qui fait passer en premier sa propre foi en soi, avant de se lancer dans la connaissance du Principe. Impossible de prendre la fuite dans une pseudo spiritualité, si l'on ne descend pas en priorité dans ses enfers personnels. On ne demande pas à l'homme de devenir un petit saint : il convient de laisser la place au doute et au manque qui sont les moteurs même du désir. Dans beaucoup de cas, la perfection ressemble à la mort. Dans la tradition juive, pour habiter une maison, il faut toujours laisser un morceau de mur incomplet, ou une pierre manquante dans l'édifice : comme si l'on ne pouvait pas habiter un lieu fini. Il convient de se méfier de tout ce qui fait un, de tout ce qui est complet et entier, car tout cela empêche l'infini d'habiter dans le monde et en nous. Il faut toujours laisser de l'incomplétude à l'œuvre.
Mais il y-a-t-il une limite à l’interprétation ? ne risque-t-on pas ce mauvais infini de l’explication poussée à l’extrême qui de ce fait ne saisit jamais le sens dernier ?