Notes d'un gardien et autres récits.

Contribution La Griffe Ile de France

Rubrique Ad Hoc

Six nouvelles à l'angoisse diffuse, par celui qui est considéré comme l'un des dramaturges et romanciers majeurs de notre temps.

Recommandation de lecture: ▲▲▲▲▲

Intérêt de lecture: ▲▲▲▲▲

Facilité de lecture ▲▲

Rapport avec le rite: ▲▲▲

Dès que nous évoquons Dürrenmatt, on tombe dans le panneau de l'associer aux paysages alpestres d'une Suisse prospère et aux joues roses, avec, à la clef, un chocolat en concurrence avec celui de la Belgique ! Grave erreur : faisant tache dans l'idyllique image touristique et la blancheur des pistes de ski, il y a l'auteur du « Voyage de la vieille dame ». Vous vous rappelez : cette richissime personne revenant dans son village d'où elle a fui comme une miséreuse avec un enfant qui mourra et qui va proposer une fortune à la municipalité si elle fait exécuter celui qui la séduite et abandonné. La protestation et les cris d'orfraies vont naturellement faire suite à cette indigne proposition mais...Elle se réalisera finalement. Bisness is bisness !

Fils de pasteur, ayant fait des études de philosophie et de théologie, Dürrenmatt a une vision très calviniste du monde : point de libre-arbitre, l'homme est pris dans la prédestination paulinienne et augustinienne jusqu'au bout de l'absurde. Il n'est qu'un « serf-arbitre » comme le pense Luther. Donc, l'effet tragique et comique s'impose : l'homme se croit le maître du monde et de son destin alors qu'il n'est que la marionnette d'un « prévu d'avance de toute éternité » et qu'il continue de gesticuler grossièrement. Nous sommes là en plein dans la vision kafkaïenne du « château » de la pire pensée existentialiste sartrienne, du « 1984 » de Georges Orwell ou du « Meilleur des mondes » d'Aldous Huxley et de son célèbre « Big Brother ». Dans ce sens, les six récits de l'auteur vont de l'angoisse diffuse au cri d'horreur : le gardien-chroniqueur de la ville imaginaire, consigne avec une sérénité méticuleuse l'avancée d'un cauchemar totalitaire où les destins réunis incarnent tous de manière symbolique, un aspect de la révolte dürrenmattienne contre un monde où l'on étouffe, un monde piégé, où la normalité la plus rassurante débouche sur l'inhumain. Planant au-dessus de tout, on y discerne une noire ironie qui est le propre de toute l'œuvre du grand dramaturge.

La Franc-Maçonnerie voit et entend le chaos du monde comme Dürrenmatt. Peut-être qu'elle espère y apporter un sens, une convergence ?

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