QUE POURRAIS-JE VOUS DONNER DE PLUS GRAND QUE MON GOUFFRE ?
Contribution La Griffe Midi Pyrénées
Rubrique Art
Le destin poignant de Paul Valet, poète français injustement méconnu.
Recommandation de lecture ▲▲▲▲
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲
Facilité de lecture ▲▲▲
Rapport avec le rite ▲▲△△△
Ce polyglotte né en Russie parlait couramment le Polonais, le Russe, le Français et l’Allemand. Étudiant à Moscou exilé par la Révolution Bolchevique à l’âge de 14 ans, il abandonna une prometteuse carrière de pianiste pour poursuivre des études de médecine. Ce choix est révélateur de l’humanisme militant qui le définit. Son engagement dans la Résistance armée dès 1941, son rayonnement de chef dans le maquis d’Auvergne, prolongent par un courage exemplaire cette volonté humaniste qui l’habitera toute sa vie.
Quel repos pouvait-il espérer dès lors qu’il sut que son père, sa mère, sa sœur avaient été gazés à Auschwitz ?
Il écrit, publie, d’abord chez son ami Guy Lévis Mano, lie des amitiés, en particulier avec Henri Michaux, Maurice Nadeau, Cioran. Il traduit Brodsky, Anna Akhmatova. Il peint. Il a une passion pour la Bretagne.
Il écrit. Dans le silence. Dans la nuit. Dans l’oubli du microcosme poétique. Il écrit. Irrépressiblement. Gagne de vitesse dans l’écriture la maladie de Charcot.
Enfin les poètes visitent l’ermite de Vitry. Guy Benoit édite en 1983 le recueil de ses derniers textes... « Que pourrais-je vous donner de plus grand que mon gouffre ? »
Il s’inscrivait dans la continuité des poètes tragiques qui me hantaient alors. Francis Giauque, Gérashim Luca, Paul Celan, Roger Milliot, Gérald Neveu... De ceux-là, il était celui qui s’écartait d’une morbidité étouffante et fatale. J’étais envouté par l’élégance, l’ironie, la percussion de ses poèmes. Plus que tout, ce qui transpirait de ses textes ravageurs, c’était qu’ils résultaient d’une intense expérience vécue. Ainsi s’éloignait le modèle d’une identité consumériste de la poésie représentée comme la norme. Alors que la norme devrait être au contraire la reconnaissance de l’expérience vécue.
De même que toute la vie de Paul Celan est dans ses poèmes, toute la vie du docteur Georges Schwartz, Seguin pour la Résistance, Paul Valet pour la poésie, est dans chacun de ses poèmes.
Dans son « Précis de décomposition » Cioran a adoubé la vocation tragique du poète qu’illustre si bien son ami Paul Valet : « Le poète serait un transfuge odieux du réel si dans sa fuite il n’emportait pas son malheur. A l’encontre du mystique ou du sage, il ne saurait échapper à lui-même, ni s’évader de sa propre hantise : ses extases même sont incurables et signes avant-coureurs de désastres. Inapte à se sauver, pour lui tout est possible, sauf sa vie ».