SOMME DU REEL IMPLOSIF

Contribution La Griffe Midi-Pyrénées

Rubrique Art

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲△△

Facilité de lecture ▲▲▲△△

Rapport avec le rite ▲△△△△

Dans la galaxie de la poésie française, Éric Dubois est une étoile que je n’ai pas quittée des yeux. Son sens inouï de la langue, ses assertions qui vous assomment de vérité : « Écrire c’est tutoyer la mort / Dire l’impossible », le hissent vers le meilleur de ce que nous offrent les poètes français d’aujourd’hui.

En 1996, Éric Dubois est diagnostiqué schizophrène. Le récit de la révélation de son état est avant tout un récit littéraire, criant de vérité mais retenu par l’élégante pudeur de celui qui ne s’est pas laissé guider par la fatalité de la maladie. Sa maladie, il la combat et la dépasse. Certainement par une indéniable grande intelligence, mais surtout par son génie poétique. Car l’émotion violente qui vous gifle à la lecture des poèmes d’un Francis Giauque ou d’un Roger Milliot n’est pas celle des poèmes d’Éric Dubois. Pas de pathos exalté chez lui. La mesure.
Toujours le recul, la tenue à distance de la maladie.
Elle ne lui dictera jamais directement ses poèmes. Sa lucidité d’artiste est intacte. De toute façon, il se prémunit de sa personnalité́ scindée en deux ; il se soigne. L’intelligence, celle de se tourner vers la lumière, sa volonté d’appréhender le monde en poète, sa lucidité en éveil, l’amènent à construire un monde poétique dans lequel nous nous retrouvons. Romain Rolland disait qu’on se lisait à travers les livres pour se découvrir ; c’est ce qu’il advient à la lecture des poèmes d’Éric Dubois. Ils font la « Somme du réel implosif ».
Cette schizophrénie, lucide, il en écarte la menace, discerne le chaos et lui oppose la « Verticalité de l’instant ». En lisant les saisissants poèmes d’Éric Dubois qui donnent un sens à sa vie et par extension à la nôtre par la grâce généreuse de toute œuvre d’art, il est évident qu’il illustre sans réplique le constat d’un poète aussi tourmenté, Hölderlin qui sait bien que « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ». La poésie ne sauve pas tous ses adeptes.

Elle n’a pas sauvé Paul Celan, Roger Milliot et Thierry Metz ; mais parfois sa lumière se laisse regarder sans éblouir, et distingue dans le chaos de toute vie de grands moments de paix qu’un artiste comme Éric Dubois sait, par sa science du langage, étendre à ses poèmes pour que cette paix irradie vers nous, les lecteurs.

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