ELOGE DE L’OMBRE
Contribution La Griffe Lorraine
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△
Facilité de lecture ▲▲▲▲▲
Rapport avec le rite ▲△△△△
Ce petit bouquin, qui fut un succès, nous fait prendre conscience, nous occidentaux (et riches) qui vivons dans un monde ripoliné, de brillance, qu’il existe un monde oriental (chinois et japonais, éduqué) prônant l’épaisseur, la matité, le retrait, bref qui fait l’éloge de l’ombre.
Nous qui cherchons la lumière naturelle (ah ! les grands baies) et vivons la plupart du temps en lumière artificielle, songeons aux délices des recoins mystérieux, abrités par les larges débords de toiture d’une maison japonaise où le soleil pénètre rarement. Tout n’est alors que sensation feutrée, incitation à la méditation. L’ombre caverneuse abrite le Beau, « sublimation des réalités de la vie » … Et non démonstration explicative à coups de hauts parleurs et de musique d’ascenseur.
L’argenterie resplendissante versus la patine, un peu, reconnaissons-le, crasseuse.
C’est ce qui fait la marque de la vie. Le monde est alors une magie, et par là s’ouvre la porte de l’imaginaire.
Bon, ç’est sûr, ça demande un peu de finesse. Exemple : « les petits coins » sont à séparer des habitations pour pouvoir mieux sentir l’odeur mouillée de la mousse et être en silence, « dans le sens de la nature » …
Dans l’ombre, ou plutôt la pénombre des temples, habitent les petites bougies vacillantes. Les Bouddhas alors mouvants se penchent vers vous en une douce inclination, la bonté vous emplit, la profondeur vous happe, l’imprécision vous gagne, vous êtes alors encore bien davantage moine. En un mot, l’ombre, c’est la résonnance (que l’on songe aux clochettes des officiants), la politesse de la distanciation, le frisson de l’indécision.
Comportons-nous comme le grain de riz. Présenté dans une boite laquée de noir, chaque grain brille alors comme une perle (la cuisine japonaise « n’est pas chose qui se mange, elle se regarde, et mieux, elle se médite ».
Je force un peu le trait, d’ailleurs je vous entends ricaner… Paroles d’un autre temps (1933), me direz-vous, soit ! Et vous aurez raison. Le dieu d’aujourd’hui est le dieu néon. Il se venge avec tapage et en parfaite vanité des siècles de petits pas qui menaient, par le ravissement, à la cache de soi-même.