Contribution La Griffe Lorraine

Rubrique Coups de coeur

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△

Facilité de lecture ▲▲▲▲▲

Rapport avec le rite ▲▲△△△

Cendrars 1887-1961 / Doisneau 1912-1994… La suite. C’est Cendrars, à Saint Segond, devant les photographies de la banlieue parisienne de Doisneau, qui proposa d’y ajouter un texte. En 1949 chez Seghers. Le prolongement d’une amitié qui jamais ne se démentira.

Le bouquin est divisé en deux parties égales : le texte en quatre chapitres nord-sud-ouest-est puis les photos en noir et blanc.

Collaboration heureuse, Doisneau envoyant au fur et à mesure ses photos à Cendrars ; déambulation séparée néanmoins. C’est cette réflexion qui est intéressante car Blaise ne commente pas ce qu’il reçoit… Il le globalise dans une réflexion qui dépasse le sujet : Les gamins en culotte courte sur la Seine gelée, les femmes brassées de marmots, les bistrots « au bon coin » parce qu’à l’angle de deux rues, les « haricots à l’huile qui font tache sur la musette et dans le dos de tant de braves gens »…, ne sont que les mots d’une histoire plus grande, celle d’un « monde fadé, sonné, qui a son compte », « une épouvante dans un décor d’ogre ».

La laideur, la crasse, la récup, chiffonniers, entrepôts à charbon, fumées rabattues… La banlieue est un assommoir qui a la tour Eiffel en fond.

On serait tenté, aujourd’hui, de l’adoucir par un voile de nostalgie, mais ce serait lui donner encore un prix alors qu’elle ne fut qu’une limite repoussée sans cesse, une construction hétérogène et provisoire : une occupation de dents creuses, entre ferrailles, usines, dépôts terrains vagues et premiers HBM au pied desquelles s’éreintent les courses de cyclo-cross du dimanche.

Peuple de l’éphémère qui eut pour loisir le jardin ouvrier sans aucune église pour se consoler.

J’ai beaucoup apprécié l’honnêteté des auteurs. Blaise reconnaissant la fatigue de « l’écrivain qui fait un boulot éreintant », « la plume à l’œuvre dans l’encre corrosive de la nuit » pessimisant ainsi l’image et Robert ne niant pas « que la lumière externe du photographe caresse et illusionne ».

Équilibre et lucidité, respect aussi et une tendresse pour ce monde qui n’en était pas un, bientôt condamné.

Condamné ? que photographierait-Doisneau, qu’écrirait- Cendrars aujourd’hui … ?

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