LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY
Contribution La Griffe Lorraine
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲▲
Facilité de lecture ▲▲▲▲▲
Rapport avec le rite ▲▲△△△
Brillant et talentueux, intellectuel et homme de lettres de la seconde moitié du 19ᵉ siècle, Oscar Wilde, dramaturge dans l’âme, est l’auteur d’un unique roman, Le Portrait de Dorian Gray, qui fait figure d’œuvre testamentaire.
Les trois principaux personnages – Basil Hallward, Lord Henry Wotton et Dorian Gray – sont unis tels les trois mauvais compagnons dans une formation triangulaire au centre de laquelle se trouve le Portrait lui-même. Cette chaîne invisible, forgée par l’admiration mutuelle que les trois hommes se portent, résistera aux fractures et survivra à la mort de l’un de ses maillons, comme ce fut le cas lors de la mort d’Hiram.
Peint par Basil, artiste sensible, éperdu d’idéal et empreint de compassion, ce Portrait de Dorian Gray est sans doute sa toile la plus aboutie, chef-d’œuvre ultime qui réussit à capter l’essence de la jeunesse. Épris d’absolu, ce dernier formule le vœu de l’éternelle jeunesse et que ce soit cette image de lui qui change avec les assauts du temps et de la vie.
Reflet de l’âme corrompue de son modèle vieillissant, ce portrait symbolise l’ego de Dorian, ses aspirations narcissiques et la voie de ses plus bas instincts cédant aux sirènes de Lord Henry, tentation du mal incarnée, mentor diabolique et mauvais génie, instillant avec perversité sa vision cynique d’une société décadente et gangrenée par le vice.
À travers cette histoire fascinante, intemporelle et d’une grande sensualité, Oscar Wilde et Dorian Gray oscillent entre le bien et le mal, irrémédiablement ramenés à leurs instincts déviants, à cette frange corrompue, à cette débauche qui illumine leurs nuits et les font se sentir vivants, au-dessus de la masse des anonymes.
Un questionnement sur la nature humaine et ses désillusions, posé à l’aune d’une nature enchanteresse immuable décrite dans une poésie renversante, jardin à l’anglaise dont le lecteur perçoit les jeux d’ombre et de lumière, devine les senteurs florales et entend les froissements des feuilles au vent. Un entrelacement sensuel et sensoriel de la nature, quintessence d’un style qui a le don de rendre heureux. Un nectar divin dont le goût fait naître en nous l’envoûtement et la fascination.
Une œuvre remarquable qui reflète avec éclat et subtilité la société de l’époque victorienne. Une écriture fine et sculptée d’une plume trempée dans l’or. Un style à la fois noble et ciselé, acerbe et aérien, qui nous fait effleurer la quintessence.
Un grand livre, d’une richesse incroyable, écrit par un génie.