LES ENFANTS DE CADILLAC
Contribution La Griffe Aquitaine
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△
Facilité de lecture ▲▲▲▲▲
Rapport avec le rite ▲▲▲△△
L’auteur enseigne la philosophie à New York, où il dirige la maison française. Le récit met en scène son grand-père, Chaïm, né dans les pays baltes en 1891, qui décide de fuir avec un cheval et une roulotte les pogroms russes, pour aller en France où, pour gagner sa naturalisation, il va s’engager sous les drapeaux en 1911. Entre-temps marié à une veuve juive autrichienne, il se retrouve dans le tourbillon de la guerre, non sans lui avoir fait un enfant, « le temps d’une permission ». Les bombes et le gaz moutarde auront raison de sa santé mentale, il est interné à Sainte Anne, puis transféré à Cadillac, oublié des siens. Le narrateur va truffer son récit de remarques, d’anecdotes et réflexions mettant en parallèle la condition anomique juive et celle des malades mentaux, ensevelis avec le « oubliés ».
Vient alors la trajectoire du père, « vrai titi parisien » qui va être rattrapé par ses origines juives, bien qu’ayant « gagné ses racines françaises pour l’éternité » par le sacrifice de son père, Albert. Le récit devient alors le voyage inverse d’un déporté, qui va survivre dans des conditions effroyables, « stupéfié de constater la connerie humaine ». Albert va effacer son nom, le franciser et être balloté jusque dans les camps de concentration, pour rentrer en France « à pied » au péril de sa vie, confronté tantôt à la vindicte allemande ou l’aléatoire des troupes russes.
Entre Chaïm et Albert, le récit bégaye entre l’assimilation des juifs en France, le fils ayant oublié le père, poursuivant le même désir de fuir ses origines dans le désir d’échapper à l’identité réductrice de juif, de « sous-homme », pour y être assigné de façon itérative. Cette dernière partie de l’ouvrage solde son identité narrative, sa francisation en troisième génération par la littérature. Celle-ci se poursuit avec sa qualité d’agrégé en philosophie exporté aux Etats-Unis, pour finalement se matérialiser sur le cimetière restauré de Cadillac, dans ce cimetière inauguré le 19/09/2020, bérets d’anciens combattants à l’appui, cérémonie ponctuée d’une marseillaise en héritage.