Contribution La Griffe Lorraine

Rubrique Coups de coeur

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△

Facilité de lecture ▲▲▲▲△

Rapport avec le rite ▲▲△△△

Poète des océans, des rivages et des voyages imaginaires, messager universel de la beauté et des sentiments humains, Jules Supervielle est un romancier et dramaturge, auteur d’une poésie très personnelle, hantée par l’angoisse de l’absence et le sens du mystère. La limpidité de ses vers nous ramène à des époques anciennes, à la genèse du monde et à l’enfance.

Dans La Fable du monde, le Prince des poètes interroge le rapport de l’Homme au monde, réécrivant la création divine. Les sens en éveil, le lecteur aperçoit Dieu, surpris et dépassé par sa propre création. Il voit, nomme, éprouve du plaisir, impose un ordre et s’amuse du langage avec une fausse-naïveté qui nous ravit. Parfois il hésite, mais reste toujours habité par l’Amour. Le poète est ici Dieu, duplication infinie, sentant en lui un monde qui lui échappe alors qu’il constitue sa propre identité.

Porté par la volonté de décrire l’expérience humaine dans ce qu’elle a de plus fondamental et de plus mystérieux, Jules Supervielle met en lumière notre relation avec nous-même, relation faite d’étrangeté et d’intimité, notamment durant le sommeil, « quand dorment les soleils sous nos humbles manteaux, dans l’univers obscur qui forme notre corps ».

Méditant sur notre monde intérieur, microcosme qui répond aux astres du ciel en jouant sa partition harmonique, il écrit : « Sous la peau des ténèbres, tous les matins, je dois recomposer un homme avec tout ce mélange de mes jours précédents, et le peu qui me reste de mes jours à venir. Me voici tout entier, je vais vers la fenêtre. Lumière de ce jour, je viens du fond des temps, respecte avec douceur mes minutes obscures, épargne encore un peu ce que j’ai de nocturne, d’étoilé en dedans et de prêt à mourir sous le soleil montant qui ne sait que grandir ».

La Fable du monde est avant tout une célébration touchante du monde et de sa beauté foisonnante. On y retrouve la fragilité, la douceur, une élégance de chevalier d’un autre temps où ne demeure que la poésie et le plaisir, celui de créer. Une poésie intimiste, étonnamment simple et profondément touchante, qui nous transporte au plus près de la vie, dans ce qu’elle a de plus beau et de fragile.

À travers un récit des origines toujours recommencé, La Fable du monde est un recueil plein d’humanité, qui trace un chemin vers le cœur, discrètement mais pour longtemps.

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