LA LIGNE DROITE
Contribution La Griffe Lorraine
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△
Facilité de lecture ▲▲▲▲▲
Rapport avec le rite ▲△△△△
Le roman, écrit en 1956 fût un succès, proposé au Goncourt.
Mais avant tout, c’est une histoire étrange où tout se déroule à rebours, comme dans toute renaissance. C’est aussi, peut-être davantage qu’une histoire de sport, en l’occurrence la discipline féroce du 800 mètres plat, une histoire des rapports conflictuels puis apaisés (l’amitié respectueuse) entre un entraineur « à l’ancienne » et un athlète de demi-fond.
Jusqu’ici ça se déroule gentiment…
Ah oui ! ça se passe dans l’Allemagne sinistrée de l’après-guerre, en 48. De plus l’athlète fût, c’était avant le conflit, champion de la distance en 1’ 50’’ 4/10, et vend aujourd’hui des journaux à la criée, en gare de Munich.
J’oubliais, il a perdu son bras droit, laissé sur le front russe et ne veut plus entendre parler de rien. Il a même changé de nom. J’y pense, c’est étonnant de vendre de l’information et rester anonyme, parler du monde et s’y soustraire… Bref, face aux écueils posés, l’auteur remonte le courant comme le coureur sa place à la corde, jouant des coudes et n’évitant pas les pointes.
Sa force ? : Le lien, l’attachement à une promesse, celle de reconstruire un homme, métaphore de la reconstruction d’un pays, promesse intérieure, aussi, celle de l’épreuve qui juge le meilleur coach à l’aune du meilleur en course.
Attachement, également, à une idée du sport et de ses valeurs (lucidité, confiance, sens de l’effort, patience …) dans la victoire (fugace) comme dans la défaite (reprendre l’effort dans la durée).
Rien n’est perdu à jamais. On peut courir, et bien, avec un seul bras. Pour cela, il faut aussi accepter l’autre en même temps que soi, laisser ce temps agir, paradoxalement alors qu’on ne cherche qu’à le raccourcir.
Le roman s’attache avec beaucoup de tact aux non-dits, au murissement et à la redécouverte des sentiments et sensations disparues, nous laissant deviner les similitudes entre la renaissance d’un « vieil homme » défait, devenu radieux par la victoire et sa projection à une communauté à laquelle il est nécessaire, en la reconstruisant, de se réapprivoiser.
Un bon bouquin sur le sport. Et ils sont rares.
PS : Record du monde du 800 : 1’40’’91 par le Kényan David Ruschida en 2012, 1’53’’28 par la tchèque Jarmila Kratoshvilova en 1983.