UN CŒUR SIMPLE
Contribution La Griffe Lorraine
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲▲
Facilité de lecture ▲▲▲▲▲
Rapport avec le rite ▲▲△△△
« Un cœur simple » (1876) fait partie de « Trois contes », dernière œuvre de Flaubert.
C’est l’histoire de Félicité, bonne modèle d’une veuve sèche « dont les façons étaient d’une hauteur qui l’éloignait ».
A Pont-L’Evêque, Normandie brumeuse et surtout immobile. Cela n’empêcha pas les voyages (intérieurs s’entend) de cette âme simple : Un amour déçu, une jeune fille à s’occuper, qui passera. Son marin de neveu, qui disparaitra, puis la maitresse des lieux et pour finir Loulou… Loulou, un perroquet.
Autant de petits chagrins qui glissèrent sur Félicité comme la pluie sur les ailes du volatile. Ce conte, concis, est une merveille d’étude de caractère, et d’un monde si ordonné qu’il ne peut que mener au chaos. Mais attention, un chaos caché, pas de vagues, chacun à sa place et dans le désordre de son cœur.
C’est peut-être ce qu’il faut retenir : il n’aurait pas fallu grand-chose… sortir de l’empêchement ? Mais pour aller où ? Non, la réalité est si pesante, le respect de l’ordre des choses si immuable. La vie s’apparente, alors, aux « miettes recueillies du doigt sur la table », disséminées, rassemblées, et mises au fond de la poche du tablier à bavette, pour toujours.
Le perroquet fut donné à sa maitresse qui s’en débarrassa auprès de Félicité. Et pour la première fois de sa vie, elle eut un sourire.
Devenue sourde aux bruits du monde, elle n’entendait plus que la voix de l’oiseau. Loulou devenu « presqu’un fils, un amoureux » et qui mourut lui aussi. Loulou qui une fois empaillé aura les traits du Saint-Esprit. « Le Père, pour s’énoncer, n’avait pu choisir une colombe puisque ces bêtes n’ont pas de voix, mais plutôt un descendant de Loulou ».
Si bien que Félicité finit par lui dire ses oraisons, tout empaillé qu’il fût.
S’ensuivit la lente décrépitude de la maison et de ses occupants, décrépitude s’achevant en apothéose quand Loulou finira au sommet du reposoir de la Fête-Dieu, son petit crâne bleu « pareil à une plaque de lapis ».
Merci, Flaubert, de nous avoir laissé, en une heure de lecture, un sentiment dont on ne se démettra de toute une vie. Félicité a réussi quelque part la sienne. Grâce soit rendue à son abnégation. Mais ne loupons pas la nôtre…