L’Obsolescence de l’homme

Contribution La Griffe Côte d’Azur Corse

Rubrique Hors-Normes

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Ce que nous produisons excède notre capacité de représentation et notre responsabilité.

 Considéré comme quelque peu outrancier lors de sa parution en 1956, cet ouvrage s’avère rétrospectivement prémonitoire. Son auteur y prédisait l’asservissement prochain de l’homme tant le monde des machines tend à devenir autonome : « toute marchandise… exige l’achat de nouvelles marchandises pour rester utilisable » si bien que « nos besoins ne sont désormais plus que l’empreinte ou la reproduction des machines elles-mêmes. » L’homme, disait-il, sera contraint de s’adapter sans cesse à cet emballement du progrès, faute de quoi il éprouvera ce qu’il appelait « la honte prométhéenne », le déclassement de l’individu devant la technique. En d’autres termes, la production technique aura pour corollaire la production de l’homme de masse.

Cette subordination à la machine procèdera d’un long conditionnement, la standardisation des esprits professée dès l’école par un enseignement insignifiant. L’homme privé tout esprit critique deviendra dès lors dépendant des « tranquillisants sociaux », ces véritables somnifères que seront le bavardage télévisuel incessant, la publicité déversant à flots continus son idéal normatif de bonheur ainsi que les émissions de variétés dégradantes, sans omettre la sexualité omniprésente. Un seul mot d’ordre : « il n’y a rien qui ne soit exploitable ».

 

Presque 70 ans après sa parution, la réflexion de Günther Anders est plus que jamais d’actualité. « On fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée… Le conditionnement produira de lui-même une telle intégration que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir avoir accès aux conditions nécessaires au bonheur ». Anders prédisait ainsi une mutation anthropologique irréversible, la déshumanisation du quotidien.

Or nous le constatons, l’homme moderne est désormais soumis à un monde qui vient à lui comme une image à consommer passivement. Désormais absent à lui-même, il n’est plus capable de produire du sens. Sa singularité s’efface dans une apathie qui le rend interchangeable et donc obsolète.

 

 

 

 

 

 

 

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