Contribution La Griffe Île de France

Rubrique Hors-Normes

Recommandation de lecture:▲▲▲▲▲

Intérêt général de l’ouvrage:▲▲▲▲

Facilité de lecture:▲▲ ▲

Rapport avec le rite: ▲▲▲

Parler d'un ouvrage de Céline, c'est toujours s'inscrire du côté du suspens :  comment mon interlocuteur va-t-il interpréter mes propos sur l'un des très grands écrivains du XXème siècle. Mais aussi l'un des plus sulfureux ! Pour contourner le conflit possible, il y a toujours la ruse qui est de parler de « Voyage au bout de la nuit », en oubliant tous les autres, les inacceptables, ceux qui procurent une nausée à la lecture des délires antisémites de l'auteur. Question classique, éternelle et ambivalente : doit-on séparer l'homme de l'œuvre ou accepter le créateur dans son altérité, fusse-t-elle condamnable ?Là, pas de question métaphysique : la bestialité à l'état pur ! Céline, blessé au cours d'une mission en Belgique à Poelkapelle (ce qui lui vaudra une médaille militaire et la croix de guerre, lui, anarchiste de droite !) tente de mettre des mots autour de l'horreur. D'abord celle de son propre corps mutilé, réduit à l'infantilisation. Devenir un objet cassé, un corps sans âme, livré à la plus terrifiante régression du monde des instincts. Dans l'environnement de mort de l'hôpital, la rencontre avec une humanité déchue, une vision nauséabonde tant du côté des blessés que des soignants. C'est aussi l'abandon de tout espoir relationnel de soutien à la faveur d'une lucidité qui devient scanner. Ainsi l'auteur découvre et hurle avec brutalité sa haine de ses parents, son désespoir et sa colère devant la bêtise militaire, quand celui auquel il s'accroche dans sa détresse (un souteneur) sera fusillé pour désertion. Le langage lui-même se décompose, devient ordurier, traduction du corps et de l'âme qui se décomposent.

Nous évoquons souvent dans nos travaux la description que Dante fait de l'enfer, mais après la lecture de Céline, nous pouvons presque dire que son enfer est de carton-pâte, gentiment philosophique à côté du réel brutal de la haine sans bornes. Céline nous montre que le mal existe et que nous sommes aussi son incarnation, tant dans nos guerres extérieures qu'intérieures. Qu'elle est notre protection pour ne pas s'associer aux « mauvais compagnons », ivres d'ambition et de meurtre, prônant le retour aux instincts de la bête pour solutionner leurs désirs ?

La Maçonnerie répond : par le symbolisme qui tempère le réel du désir et les égarements de l'imaginaire.

 

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