LA HONTE
Contribution La Griffe Paris
Rubrique Hors-Normes
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△
Facilité de lecture ▲▲▲▲▲
Rapport avec le rite △△△△△
J’étais curieux d’acheter le livre d’une auteure que je classais un peu rapidement dans la même veine que Virginie Despentes et Christine Angot.
Avec un titre pareil, je m’attendais, influencé par le courant féministe militant, à un livre sur le viol, l’inceste, la zoophilie ou les trois en même temps. Je fais amende honorable car Annie Ernaux raconte dans ce livre son enfance dans une banlieue ouvrière dans la Normandie, d’après-guerre. Nous sommes dans les années 1950, la France est en reconstruction et l’auteure a une douzaine d’années. Point de départ et récurrent du livre, une dispute conjugale : le père a entraîné son épouse à la cave pour lui couper la tête avec une serpe !
La jeune Annie qui a assisté à la scène, et en restera traumatisée, on peut la comprendre. Ce traumatisme, mêlé au complexe d’infériorité de sa condition, la marquera d’une honte que seul ce livre lui permettra d’exorciser. Cet évènement est le prétexte à une plongée dans cette France, d’après- guerre : celle des petits métiers : ses parents tiennent un café. Chronique douce-amère de ces années du tout début des trois glorieuses où les classes sociales sont encore très marquées entre ceux qui habitent le centre et les autres.
Époque des baraques chauffées au charbon, des cabanes de jardin en guise de toilettes. Morne vie d’une petite fille intelligente, qui souffre sans l’avoir compris de l’environnement dans lequel elle vit. On se débarbouille au lieu de se laver, on ponctue sa visite par un « au plaisir » et l’on accueille l’invité par un « asseyez-vous, vous ne paierez pas plus cher. », c’est la France du « du du bon dubonnet » et de la famille Duraton à la TSF.
Annie est élève dans une école catholique mais, si son instruction sent l’encens, c’est à l’école qu’elle découvre à la fois ses dons et la liberté que confrère l’instruction. Incontestablement Ernaux écrit dans un style classique et elle a le bon goût de limiter ses livres à cent cinquante pages à une époque, où si l’on n’écrit pas une somme, on n’existe pas. Elle a obtenu le prix Nobel de littérature en 2022… Comme Camus. Quelle différence entre celle qui n’écrit que sur elle, son avortement… et la puissance littéraire et philosophique d’un Albert Camus.
Parlez-moi de moi y a que ça qui m’intéresse chantait Jeanne Moreau !