Pascal et la proposition chrétienne
Contribution La Griffe : Côte d’Azur Corse
Rubrique Métaphysique
L’homme passe infiniment l’homme », c’est pourquoi « nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes
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Intérêt général ▲▲▲▲▲
Facilité de lecture ▲▲
Rapport avec le rite ▲▲
On ne lit plus Pascal. Hormis le fameux Pari dont on tord le sens, on ne le cite même plus. Il a pourtant beaucoup à nous dire. Pour lui en effet, l’homme n’est aucunement cet individu binaire décrit par Descartes tel qu’il se réduit à une « alliance impie » entre la raison et le corps, alliance d’autant plus funeste qu’elle asservit fréquemment la raison aux besoins de l’égo ou aux désirs de la chair. Il rabat au contraire les sens à leur cécité, de même qu’il abandonne la raison à sa faiblesse pour ouvrir le champ de l’action et de la charité. Ce faisant, il défend une conception ternaire de l’homme, trois manières d’être et d’apparaître que sont « l’ordre de la chair, l’ordre de l’esprit et l’ordre du cœur ».
Il s’attache à décrire longuement les illusions du moi, i.e. les passions et la passivité causées par les attachements aux deux premiers ordres. En effet, écrit-il, le moi « est injuste en soi en ce qu’il se fait le centre de tout ; il est incommode aux autres en ce qu’il veut les asservir, car chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres ». On interprète souvent cette citation dans un sens purement moralisateur, une simple incitation à l’humilité, alors qu’elle exprime fondamentalement le tragique de l’homme privé de Dieu : l’illusion qui résulte de l’amour de soi conduit à l’illusion de ne dépendre que de soi.
Il est certes, « incompréhensible que Dieu soit et incompréhensible qu’il ne soit pas, que l’âme soit avec le corps, que nous n’ayons point d’âme, que le monde soit créé, qu’il ne le soit pas… », mais « qu’est‑ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout, infiniment éloigné de comprendre les extrêmes. La fin des choses et leurs principes sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré et l’infini où il est englouti ».
Pour Pascal, il n’est de réponse possible à ce questionnement que dans la foi en Jésus-Christ. Je crois néanmoins que, par-delà ses références religieuses, la richesse des thèmes et des thèses développées dans cet ouvrage intense intéresse tous nos Frères tant elles recoupent, degrés après degrés, nos préoccupations les plus intimes.