FAIRE PARLER LE CIEL
Contribution La Griffe Touraine
Rubrique Métaphysique
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△
Facilité de lecture ▲▲△△△
Rapport avec le rite ▲▲△△△
Si les philosophes naissaient de l’influence de leurs maîtres, Sloterdijk serait le fruit de l’union de Nietzsche et d’Heidegger : la lucidité et le cynisme du premier ; la transcendance ontologique du second.
Pour ouvrir le discours sur la communication avec le divin, l’auteur note que dans tous les écrits antiques, profanes ou sacrés, survient à un moment donné un personnage totalement inattendu capable de modifier radicalement le cours du récit : c’est le deus ex machina. Ce personnage divin – divin car il vient de nulle part et semble apparaitre de sa seule volonté – parle aux hommes, perdus dans le chaos de leurs contradictions, pour leur indiquer le chemin vers la raison et la sagesse. Ainsi nait une certaine façon de faire parler les dieux que Sloterdijk désigne sous le terme de « théopoésie ». Émanant de personnages hors du commun capables de communiquer avec les profondeurs de la psyché, ces paroles ne tardent pas à devenir sacrées.
Et l’auteur de déduire que le passage de la parole sacrée au mythe, du mythe à la croyance et de la croyance à la religion est une voie ordinaire de l’irrationnel humain.
Des dieux par trop anthropomorphiques et de moins en moins fiables de l’antiquité, on se débarrassa ; on n’en garda qu’Un, principe inaccessible et transcendant, ne pouvant être à aucun moment suspecté de la moindre faille, du moindre travers. Mais alors, comment faire en sorte que le fidèle de base conserve quelques contacts avec son créateur et puisse entretenir sa foi ? Le Dieu unique, après le premier contact (Moïse au Buisson Ardent), s’exprima selon différents protocoles : à travers des systèmes complexes d’interprétation de textes sacrés (le Talmud, la Kabbale) ; par l’histoire du sacrifice d’un bouc émissaire déifié (les Évangiles) ; ou par un cerveau en orage épileptique directement connecté aux théo-neurones (le Coran).
Et les délires oniriques des prophètes du monothéisme se transformèrent en vérités transcendantes et en dogmes religieux.
Sloterdijk n’est pas facile à lire, mais sa vision du phénomène religieux est d’une grande clarté et d’une lucidité implacable.