DOISNEAU RENCONTRE CENDRARS
Contribution La Griffe Lorraine
Rubrique Coups de coeur
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△
Facilité de lecture ▲▲▲▲▲
Rapport avec le rite ▲△△△△
Cinq ans que Cendrars (cendres) n’avait pas écrit. Puis il s’y était remis… Table en bois et Remington – d’une main--. Ou alors debout, face au lutrin. C’est bien d’écrire debout…
Pour étayer la parution future de « l’homme foudroyé », les éditions Denoël dépêchèrent alors sur place un jeune photographe de 30 ans, Robert Doisneau, au 12 rue Clemenceau à Aix, la tanière-cuisine du manchot. Pour lui tirer le portrait.
Nous sommes en octobre 45. Cendrars écrit ce terrible récit qu’est « la main coupée ». La lumière de Provence, les balades, le travail constant de l’un et de l’autre, l’exigence et le respect mutuel, lient peu à peu les deux hommes. Mais le portrait ?
« Mon portrait, c’est ça, le mouvement, mon amour des gens simples ou complexes, dans leur travail ou leur vie tourmentée »., dira cet homme étrange et bon, fuyant la pose.
Il en résulte alors un témoignage où les textes tirés de l’œuvre de Blaise (braises) se mélangent aux noirs et blancs de Doisneau.
D’où ce bouquin-cocktail qui sent bon le béret, les torpédos qui vont à cent à l’heure, le tabac à rouler et le rhum Négrita.
Une nostalgie, teintée d’empathie, me gagne en voyant ces photos d’avant le plastique, les néons, le temps pressé donc pesé…J’en passe. La bonhomie, la trogne de Cendrars sont trompeuses. C’est lui, « l ’Ulysse du transsibérien, *» qui inventa, véritable Prométhée, l’artiste moderne car passionné de tout (voyages, cinéma, peinture -ses rapports avec Leger-) etc. Et surtout, bien sûr une poésie autre.
« En ce temps-là, j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares…. »**
Bon voyage Blaise, merci Doisneau.
* Dos Pasos
** Prose du transsibérien et de la petite Jeanne de France 1913